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AGENCE JACQUES ROUGERIE

Villes de demain : La vision de Jacques Rougerie, architecte et océanographe

"C'est de l'océan que naîtra le destin des civilisations à venir"

 

Jacques ROUGERIE est né en 1945, il est architecte DPLG depuis 1972. 

En 1974, il fonde le Centre d’Architecture de la Mer et de l’Espace qui servira de creuset à ses projets et ses réalisations. En 1993, il fonde l’Association Espace-Mer. Grand plongeur, il fait partie de l’équipage qui détient le record du monde de vie sous la mer : 70 jours. Depuis 1999, il est membre de l’Académie Française d’Architecture. Le 25 juin 2008, il a été élu à l’Académie des Beaux-Arts de l’Institut de France.

Ses créations architecturales s’inspirent de l’observation de la nature, du vivant, et développent ainsi cette synergie entre forme et fonction. Son approche est pluridisciplinaire : architecturale, environnementale, biologique, sociologique, écologique et poétique.

Le 3 décembre 2009, la convention de création de la Fondation Jacques Rougerie - Génération Espace  Mer (évolution de l’association Espace-Mer fondée par J. Rougerie en 1993) a été signée à l’Institut de France, par Monsieur Gabriel de Broglie, Chancelier de l’Institut de France, Monsieur Arnaud d’Hauterives, Secrétaire perpétuel de l’Académie des Beaux-Arts, et Monsieur Jacques Rougerie, membre de la section Architecture de l’Académie des Beaux Arts. Le Prince Albert II de Monaco en est le président d’honneur.

BATI’life : Quels sont les objectifs de la fondation Jacques Rougerie Génération Espace Mer – Institut de France, à qui s’adresse t’elle ?

Nous souhaitons provoquer chez les jeunes générations des vocations, pour les inciter à développer leurs propres outils (architecturaux, de design), des solutions en lien avec le monde de la mer, de l’espace dans le cadre du développement durable.

La fondation a pour mission de soutenir ou de financer directement des projets éducatifs, culturels, artistiques, scientifiques et exploratoires sur les thèmes de la connaissance et de l’action pour une meilleure gestion de notre planète.

Des bourses (architecture de la mer et architecture de l’espace) accompagneront des recherches sur des outils d’architecture et de design, des projets apportant des débuts de réponses aux préoccupations actuelles (montée des eaux aux Maldives …). Ce peut être, par exemple, un projet d’habitat flottant.

Des prix seront décernés chaque année (Prix d’architecture de la mer, Prix du design de la mer).

La fondation soutiendra également les associations œuvrant à "bâtir le futur" dans un cadre environnemental très fort. Actuellement, nous soutenons une association qui permet à des enfants défavorisés de compter les baleines en Méditerranée. L’action de la fondation consiste à financer les équipements de mise à l’eau des enfants, conçus par l’association.

La fondation agît en parallèle et en complémentarité avec d’autres fondations totalement légitimes (celle de Nicolas Hulot par exemple) et nous souhaitons qu’elle entraine d’autres initiatives, d’autres accompagnements similaires.

BATI’life : Votre projet, Sea Orbiter, vaisseau d’exploration scientifique, constitue le fer de lance, l’emblème de la fondation. Quelles sont les missions de Sea Orbiter ?

Sea Orbiter est un vaisseau permettant à un équipage de 18 personnes de vivre en permanence et d’avoir un regard constant sous la mer. Six personnes pourront, à tout moment, effectuer des sorties à l’extérieur du vaisseau, indépendamment des conditions de mer en surface.

Aucune autre plateforme technologique d'observation des océans ou navire océanographique ne s’inscrit aujourd'hui dans cette continuité de l'observation des phénomènes marins et sous-marins.

Sea Orbiter est destiné à dériver dans la masse d’eau où se déroule la plupart des flux migratoires (phytoplancton, zooplancton, tortues, méduses …) dont on connaît peu de choses.

L’équipage aura une mission d’observation, de surveillance de la biodiversité, de centralisation des données scientifiques, pour les redistribuer ensuite à tous les centres de la mer à travers le monde. Ce sera un formidable outil de pédagogie éducative sur le milieu marin s’adressant à toutes les générations.

Les missions dureront entre 3 et 5 mois. L’équipe embarquée sera constituée de 6 membres d’équipage, et en fonction du type de mission, de 3 à 5 scientifiques, 3 à 5 astronautes, 3 à 4 communicants et 1 à 2 industriels.

BATI’life : Le projet Sea Orbiter entre maintenant dans une phase très concrète. Un modèle au 15e a permis de valider de nombreuses options techniques après des essais réalisés en Norvège, en bassin de carènes, sous toutes conditions de mer. Quand débute la construction du premier vaisseau ?

En fin d’année, nous lancerons les appels d’offres. Il faut compter un an pour la construction de la coque, six mois pour les aménagements intérieurs, six à huit mois pour les essais en Méditerranée, et trois mois d’aménagement. Le premier vaisseau Sea Orbiter pourra être opérationnel mi 2013 pour une première mission en Méditerranée avant de se lancer pour la grande aventure dans le Gulf Stream.

La 1ère équipe est en cours de constitution, nous sommes submergés de demandes …

BATI’life : Depuis les années 70, votre passion pour la mer et votre double formation, architecte et océanographe, vous ont conduit à vous intéresser à l’habitat sous-marin mais aussi à proposer des visions spatiales de l’habitat. Comment voyez-vous notre Ville de demain ?

Les Villes de demain seront mieux adaptées à des zones géographiques spécifiques, à un climat. Projeter la ville ne se fait pas seulement au niveau de l’architecture mais également au niveau des transports, de l’approvisionnement, du recyclage, des loisirs …

Il faut redéfinir une organisation sociale par rapport aux enjeux planétaires d’échanges économiques, de loisirs... Les villes seront plus ouvertes sur la nature. Architecture verticale, ou cité étalée …, il y a des tendances qui se dessinent. Il n’y a pas de "bonne réponse" mais des réponses à tester et à adapter. Il me semble que des opérations "tests" seraient nécessaires pour anticiper et adapter notre habitat.

Aujourd’hui, je constate un véritable anachronisme entre notre époque exceptionnelle en terme d’avancées technologiques et nos modes de vie. Cela manque de souffle, d’énergie et d’idées nouvelles.

BATI’life : Selon vous, quel devrait être le rôle de l’architecte de demain ?

L'architecte a aujourd'hui nécessité à travailler au sein d'une équipe pluridisciplinaire qu'il organise autour de chaque projet, et qui intègre notamment de nouvelles composantes plus particulièrement liées à l'analyse et à la mise en oeuvre des préceptes du développement durable.

Son approche de l’acte de bâtir devra nécessairement être transversale (sociologique, technologique, environnementale). 

Pour créer un cadre de vie propre à l’homme, le travail en équipe est non seulement indispensable, mais aussi beaucoup plus plaisant et enrichissant. La notion d’échanges pluridisciplinaires est essentielle.

Certes, l’acte de bâtir est devenu très complexe (particulièrement du point de vue administratif) mais en même temps extrêmement passionnant. Les possibilités, les champs d’exploration sont beaucoup plus vastes qu’il y a 20 ou 40 ans.

Dans notre agence, dès l’origine d’un dossier, les techniciens, les ingénieurs sont intégrés au projet, pour nous permettre de prendre ensuite les bonnes directions en architecture, et pas l’inverse.

A la différence des habitudes françaises, les agences d’architecture en Allemagne, dans les pays scandinaves ou anglo-saxons, travaillent en osmose avec des équipes. Les résultats sont à mon sens beaucoup plus intéressants.

Il faut bousculer les habitudes, poursuivre le développement des technologies, avoir l’audace de chercher des solutions, car demain nous ne pourrons plus vivre comme aujourd’hui au regard des énergies non renouvelables.

BATI’life : Merci Jacques Rougerie. Pouvez-vous nous rappeler les projets sur lesquels vous travaillez en ce moment ?

Nous travaillons actuellement sur deux grands projets : le Musée d’Archéologie sous la mer de la baie d’Alexandrie en Egypte (réalisation 2015) et le Centre de la Mer des Caraïbes à la Martinique (réalisation 2014).

En métropole, la municipalité d'Orange (Vaucluse) et la commune de Blois (Loir et Cher) nous ont confié la réalisation de leur futur centre aquatique.

Copyright photographie et visuels : © Jacques Rougerie

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Propos recueillis par Esther Pinabel
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